lundi 12 juin 2017

ROSE


Je vais voir Rose tous les ans. Le 1er août.

Je la rejoins dans le jardin d'hiver qui jouxte la grande bâtisse couleur brique. Elle est là mais elle ne m'attend pas. Menue, recroquevillée dans un fauteuil en rotin, un châle mauve sur ses épaules, elle ne change pas d'une année à l'autre. Seules quelques petites rides au coin des lèvres me disent que le temps passe. Avec ses cheveux blancs, son teint pâle et ses grands yeux clairs, elle ressemble à ces poupées qui ornaient les étagères des fillettes d'antan.

Depuis 17 ans, le rituel est immuable, nous buvons du thé avec du miel et des speculoos. Je lui parle du chat Zouzou qui est mort il y a des lustres, mais que je ressuscite à chaque visite. Je crois qu'elle sourit. Puis, nous faisons le tour du potager, à tout petits pas, comme si le film passait au ralenti. Vers 14 heures, ses mains commencent à trembler, ses jambes la soutiennent à peine. Il est temps de rentrer.

Madame Martin a pris sa retraite au mois de juin, c'est désormais Émilie qui est en charge des locataires du rez-de-chaussée. Elle est jeune, belle et gaie. Elle adore Rose. D'ailleurs, tout le monde aime Rose, elle est si calme, si fragile. Avant qu'elle ne s'endorme, je dépose un baiser sur le front tiède de Rose et je laisse sur son chevet un bouquet de roses.

Maintenant, Rose est dans ses rêves. Je remonte l'allée bordée de peupliers gigantesques jusqu'à la grille en fer forgé. Je réintègre le monde des vivants, du moins de ceux qui savent qu'ils sont vivants.

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