dimanche 30 décembre 2018

MITSUBISHI


J'aimais ces matins blancs, quand on restait couchés au moins jusqu'à midi.

À travers la baie vitrée, on voyait les vergnes pelés qui agitaient leurs grands bras maigres dans le vent d'ouest. Puis la colline qui montait en pente douce jusqu'à la source des Charmes. Plus loin encore, le grand rocher noir, témoin de nos ébats champêtres. Vautré comme une crêpe sur le couvre-lit de laine, Mitsubishi ronronnait comme un gros diesel angora.
Parfois, tu te levais pour essuyer la buée sur les carreaux. En contre-jour, ton cul éblouissant accaparait tout mon champ de vision. Et tu revenais te blottir sous la couette. Et tu te faisais un malin plaisir à coller tes genoux glacés sur mon ventre. Et tu riais quand je te traitais de sadique.

Un jour, tu n'as plus ri du tout. Tes yeux sont devenus secs, tes lèvres livides. L'hiver s'est invité dans notre lit. La buée s'est incrustée aux carreaux. Le gros diesel angora s'est exilé au salon. 

Pourquoi fait-il si froid, soudain ?

dimanche 23 décembre 2018

LA GRANDE DAME EN ROUGE


Oui monsieur, j'ai passé une nuit avec la grande dame en rouge.

Mais revenons quelque temps en arrière.
Mai 1991, je débarque à l'hôtel Meridien de Colombo avec sac à dos et walkman.
Le réceptionniste présente un œil torve. Je montre mon passeport.
« Well, fwançais ! Vu veniou por affair ? », il me dit.
« Saphir jaune ! », je rétorque.
« Well, si vu aimey bon miousik, vu veney at nine o'clock dans la saloon ! »
Je remplis la fiche de renseignements. Il me donne ma clé. « Well, 719 ! »
Fin du premier acte.

Début du deuxième.
Vingt et une heures pétantes, le gosier desséché par une semaine de trek, je déboule dans le bar de l'hôtel. À cet instant précis, la seule vision de l'interminable rangée de flacons de whisky suffit à mon bonheur. Le camaïeu de tons jaunes et verts d'un Bunnahabhain de 1975 m'inspire. « Un double... sec ! ». 58° de volupté glissent le long de mon gosier et viennent réchauffer mes boyaux. D'autres clients arrivent. Il y a du costard-cravate, du polo Lacoste, du mocassin à glands, du tailleur Chanel, de l'escarpin verni et de la robe argentée qui s'arrête au ras du bonbon. Avec mon jean et mes camarguaises, je fais un peu tâche, mais personne ne semble se soucier de ma dégaine. Quelques murmures fusent. Des verres s'entrechoquent. Des mains d'hommes glissent le long des jambes de leur voisine. Ça mutine et ça lutine en toute impunité !

Le troisième acte commence dans un bruissement feutré. Du fond de la salle obscure, surgit une longue silhouette effilée. Elle semble glisser sur l'épaisse moquette émeraude. Au contact de la lumière, cette mouvante vision prend forme. Elle s'approche avec une grâce infinie de l'orgue électronique posé entre deux spots à parapluie. Une jeune femme fait désormais face au public impatient. Elle est grande, mince, un visage asiatique encadré d'une coupe à la Louise Brooks. Elle porte une longue robe de soie rouge, brodée de discrètes enluminures blanches. Le vêtement dévoile ses bras clairs, ses épaules graciles et, par une échancrure polissonne, la délicieuse courbe de ses mollets. Elle n'est pas franchement belle, mais possède un charme indéfinissable et une aura quasi mystique.

La grande dame en rouge s'installe au clavier, étire ses doigts avant de les laisser flâner sur les touches ivoirines. Des accords jazzy s'envolent, envahissent l'espace, se fondent dans le décor, s'immiscent au plus profond des êtres. Enfin, la grande dame en rouge égrène une ritournelle enivrante qui vient se ficher directement dans les cœurs. Sa voix est à la fois douce et rugueuse, un subtil cocktail entre Maurane et Bonnie Tyler.

Le concert se poursuit dans une infinie sérénité. Les spectateurs sont invités à déposer de petits papiers pour demander une chanson particulière. Le temps de siroter trois autres doubles, j'entends Woman in Love, Goodbye Yellow Brick Road, Yesterday, You're the One That I Want, Yesterday, Singin' in the Rain, La Vie en Rose (deux fois), My Way (trois fois !), plus quelques valses et paso dobles qui émoustillent de vieilles enrubannées. La grande dame en rouge y met toute son âme, donnant une saveur totalement originale à chacun des morceaux. Si l'exécution est parfaite, l'ambiance féerique, le whisky savoureux, je ne trouve pourtant guère matière à émouvoir mes vieux os de baroudeur. Aller, je me lance, je noircis nerveusement un billet :  Van Halen, Jump... et advienne que pourra !

Il est presque minuit, la fin du spectacle approche. Point de Jump à l'horizon ! Je suppute que la grande dame en rouge ne goûte guère ce genre de musique. Je m'apprête donc à regagner mes pénates. C'est alors que surgit des enceintes, l'intro si caractéristique imaginée par Edward Van Halen. La grande dame en rouge la maîtrise à la perfection, elle l'étire à l'infini, variant les sonorités et l'intensité musicale. Les yeux fermés, la bouche arrondie, elle semble comme envoûtée par le rock. Elle attaque le chant : « I get up... and nothing gets me down... » et c'est un déferlement d'énergie pure qui s'abat sur le public, sans doute peu habitué à ce genre d'excentricité. C'est dix minutes de folie, dix minutes de feu, dix minutes de rage qui me laissent groggy. Et la tension redescend doucement, comme dans la version originale. La grande dame en rouge est maintenant debout derrière le clavier, visiblement épuisée. Elle me lance un regard complice, avant de disparaitre aussi mystérieusement qu'elle était venue.

Le quatrième acte démarre comme le précédent, mais cette fois, j'arrive avec des munitions. J'ai préparé une copieuse liste de chansons : Born to Be WildSmoke on the Water, Born in the USA, Only Women Bleed, un peu de Bowie, beaucoup de Stones. Vous me croirez si vous voulez, elle connait tout et ne se contente pas d'une simple copie. Je découvre un We Are the Champions façon reggae, Johnny B. Goode se transforme en ballade suave et Live on Mars a capella me déchire le cœur. Quand Highway to Hell devient une biguine et que Gloria se pare de sonorités nord-africaines, on tutoie véritablement les anges. Et ce soir, mon ange est une grande dame en rouge. Mais comme dans tous les contes de fée, il faut que la princesse regagne son château. Le tour de chant s'achève avec Listen to your Heart de Roxette qu'elle chante sans jamais me quitter des yeux. « Listen to your heart... before you tell him goodbye ». Et comme une goutte de grenadine qui se dissout dans l'eau pure, elle s'éclipse encore.

Je passe une nuit agitée et le dernier acte ne se présente pas sous les meilleurs auspices : nous sommes dimanche, pas de concert ce soir. Mon départ étant programmé lundi, il y a fort à parier que je n'entendrai plus jamais la grande dame en rouge. La vie sur la route est ainsi faite de rencontres impromptues, d'amitiés éphémères, d'amours inachevées.

Je consacre la journée à faire ce pour quoi j'ai entrepris ce périple au Sri Lanka. La mousson d'été est toute proche, l'atmosphère est moite, la température pesante. Demain, je serai en France. Je n'aspire qu'à quelques verres de philtre des Highlands, un repas léger avant une bonne nuit de sommeil. En arrivant à l'hôtel, le réceptionniste me tend une enveloppe... rouge. J'y trouve un bristol : « Room 917, 9 p.m., (signé) Choon-Hee ». Le message est aussi bref que sibyllin, dessiné d'une écriture ronde, presqu'enfantine.

Les deux heures que je passe à m'apprêter sont sans doute les plus longues de ma vie. J'use autant de savon qu'en un mois de randonnée ! Coup d'éponge sur les bottes, Levi's 501 de gala, t-shirt Motörhead. Une goutte de sent-bon sous les bras.

À l'heure dite, je suis devant la chambre 917... le même numéro que la mienne, mais à l'envers. Le destin est parfois facétieux ! Avec ma bouteille de champagne et mon bouquet de lotus bleus, je suis aussi troublé qu'un ado qui se rend à son premier rendez-vous.
Je frappe.
La grande dame en rouge m'accueille.
La porte se referme sur nous deux.

Maintenant, n'espérez pas que je vous dise ce qui s'est passé après. Tout ce que vous saurez, c'est que j'ai passé une nuit avec la grande dame en rouge.

Rideau !

mercredi 12 décembre 2018

BLANC DÉCEMBRE


Blanc le soleil du matin
Blancs la colline et les pins
L'immaculée nature
S'invite à nos persiennes


Blanc le ciel, blanc le sol
Et
blanc le potager aussi
L'hiver sonne à la porte
Remettons du feu à l'âtre


Éparpillés sur les draps froissés
Tes cheveux blancs défaits
Sont comme un tapis neigeux
Sur lequel je m'endors… heureux

mercredi 5 décembre 2018

TATYANA M.


Si vous passez un de ces jours en Australie, n'hésitez pas à rendre visite à Tatyana M. Elle est peintre, d'origine russe et mariée à un riche homme d'affaires perpétuellement en déplacement, qui l'a installée dans un luxueux loft du centre de Darwin. Pour la rencontrer, ce n'est pas compliqué : il suffit de fréquenter les bars qui restent ouverts toute la nuit. Si elle n'est pas vautrée sur un coin du zinc, c'est qu'elle est en train de repeindre les chiottes.

Quand j'ai connu Tatyana, nous sommes tombés dans les bras l'un de l'autre. Ce n'était pas à proprement parler un coup de foudre... simplement, nous étions tous les deux pleins comme des valises ! Elle m'a hébergé durant quatre semaines, le temps de faire mon portrait à huile. Ça peut paraitre long, mais il faut savoir qu'elle ne peut peindre qu'avec au minimum un litre de vodka dans la cafetière. Ses mains cessent alors de trembler. Pour ne pas passer pour un goujat auprès d'une personne aussi délicate, j'avais opté pour le même régime.

Nous passions nos journées à picoler. Tous les liquides que nous ingurgitions suffisaient à apaiser nos appétits... tant nourriciers, que sexuels. J'ai d'ailleurs perdu 11 kilos durant cette période. Elle n'avait plus rien à perdre... à part peut-être un os ! La nuit, nous courions de bar en bar, grignotant de-ci de-là quelques cacahuètes égarées et imaginant de nouveaux cocktails plus fulgurants les uns que les autres : Ricard-téquila, whisky-Cointreau, rhum-Get 27... essayez, c'est... heu... ben, justement : fulgurant !

C'est au petit matin que l'inspiration lui venait. Elle se jetait alors comme une furie sur ses pinceaux et ses tubes de couleur. Chacun de ses gestes était comme un coup de griffe sur la toile. Des formes de plus en plus cohérentes apparaissaient comme par magie. Son style pourrait aisément s'apparenter au classique fauvisme, s'il n'était parsemé d'éléments cubistes apportant une certaine gravité à l'ensemble.

Un beau jour, il a bien fallu que je réinvestisse ma panoplie de routard. Monsieur M. avait annoncé son retour et j'avais encore toute l'Australie à découvrir. Si vous avez l'occasion de rencontrer Tatyana M., pourriez-vous lui dire que j'ai oublié ma montre sur le petit guéridon, près du jacuzzi ?

dimanche 18 novembre 2018

ROUGE NOVEMBRE


Il fait froid sur les toits
La pluie fait des claquettes sur le pavé
Quand la bise vocalise sous les marquises
Et les carreaux s'embuent de perles grises

Il fait froid dans les bois
Les ormes déplumés ont grise mine
Dame hulotte grelotte et le ru s'est tu
Peu fier, le paon a plié sa grande roue

Il fait froid du haut en bas
La cigale qui a chanté tout l'été
Se trouve un peu dans la dèche
Mais la fourmi félonne s'en bat l'œil

Il fait froid comme en Alaska
L'aube est sombre, la brune précoce
Râ, le scélérat, a mis les bouts
Qui sait quand on le reverra

Il fait froid jusqu'au bout des draps
Restons sous la couette, mon amie
Et laisse-moi lire entre tes lignes
Laisse-moi être ton Champollion

lundi 12 novembre 2018

DJIBOUTI


                                        Je garde le souvenir ému
                                          D'un corps d'ébène que j'ai tenu
                                            Trop vite aimé à la lisière d'un lit
                                              Dans un hôtel de Djibouti

                                                  Nimbée d'un parfum délicat
                                                    Elle s'appelait Samara
                                                      Le reflet de sa peau noire
                                                        Est ancré dans ma mémoire

                                                            Je nageais dans l'abîme de ses yeux
                                                              Plongeais dans l'ombre de ses cheveux
                                                                Elle s'amusait de la pâleur des miens
                                                                  Et rêvait à des pays lointains

                                                                      Elle nouait ses doigts autour de mes mains
                                                                        Caressait mon ventre de ses reins
                                                                          De son rire de gamine
                                                                            Naissaient des perles cristallines

                                                                                Je me souviens ses baisers brûlants
                                                                                  Ses lèvres sanguines buvant
                                                                                    À mon front les traits de sueur
                                                                                      Nés de ces moments de torpeur

                                                                                          Sous le drap froissé, un billet crasseux
                                                                                            Sera à tout jamais mon unique adieu
                                                                                              À cette fille de la corne de l'Afrique
                                                                                                Mon doux rêve impudique

mercredi 7 novembre 2018

HELLFEST


Comment survivre en milieu hostile ?

Si par le plus grand des hasards, tu es pris dans un troupeau de métalleux en goguette, pas de panique ! Sous des airs féroces, ils n'en sont pas moins fort sociables, si tu parviens à comprendre leur mode de fonctionnement.

Tout d'abord, ne refuse jamais une bière offerte par un métalleux, même si elle est tiède et de mauvaise qualité. Ne t'offusques pas s'il t'envoie un rot tonitruant dans les naseaux : c'est tout simplement sa manière à lui de dire qu'il a grandement apprécié de partager ce moment avec toi. 

Si au cours de la conversation il emploie le terme motherfucker, sache qu'il n'a néanmoins aucunement l'intention d'avoir un rapport sexuel avec ta maman. Ne te sens pas agressé s'il te colle de grandes claques dans le dos, il s'agit en fait d'un signe d'amitié sincère et durable.

Après avoir ingurgité l'équivalent d'une baignoire de Kro, ne demande pas bêtement où se trouvent les ouatère clozettes. Fais comme tout le monde : pisse contre un mur. Pour vomir, le caniveau est plus approprié. À la fin d'un concert de Slayer, utilise l'expression « Putain, ça déchire ! », plutôt que « Cooooooool ! ».

Le métalleux ne manque pas d'humour. S'il t'invite à tirer sur son doigt, fais-le sans rechigner et après qu'il eut émis une flatulence tonitruante, n'hésite pas à déclarer « Putain, tu schlingues, mon salaud ! ». Il te sera extrêmement reconnaissant d'avoir savouré sa plaisanterie et t'offrira une nouvelle bière en te bourrant les côtes de claques amicales.

Te voilà maintenant paré à te fondre dans le petit monde merveilleux du heavy metal. Ah ! Dernière recommandation avant de te laisser partir : afin de préserver ton intégrité anale, laisse tomber le polo Lacoste et les mocassins à glands !

samedi 3 novembre 2018

OCTOBRE VIDE


              Où portent mes yeux brûlants d'acide
                C'est encore les mêmes espaces nus
                  Tout me ramène à toi inexorablement
                    Où se posent mes doigts psychotiques
                      Branches sèches, vides d'émotions
                        Rien ne comble jamais cette absence
                          Emplissant la moindre de mes heures

jeudi 1 novembre 2018

ET UN… ET DEUX… ET TROIS-ZÉRO


Juillet 1998, je sillonne le Limousin en camping-car avec femme et enfants et lapin. Le 12, en fin de matinée, nous jetons l'ancre à Peyrat-le-Château, sympathique village d'un millier d'âmes. Dans la rue principale, nous passons devant un petit bistrot qui arbore fièrement une affichette "Ce soir, retransmission de la finale de la coupe du monde de football entre la France et le Brésil". Le copilote occasionnel qui, accessoirement, s'avère être mon fils ainé (13 ans), me lance un clin d'œil complice. Hé ! Hey ! Pigé, fiston !

On trouve un chouette endroit pour garer la cabane à roulettes, tout près d'un lac avec des canards. On déballe le pique-nique et on s'étale sur l'herbe. Le soleil brille, les oiseaux chantent... les grenouilles aussi. Les enfants barbotent... les grenouilles aussi.

Vers 19h00, les négociations commencent :

— Ma chérie, je crois que les enfants ont très envie de voir le match ce soir !
— Oh, oui, m'man, on zzz'avons très zzz'envie de voir le matsss ce soir !
     Ça, c'est le plus petit (11 ans).
— Mais, les enfants, vous savez bien que nous n'avons pas la télé dans le camping-car.
— Maman a raison, les enfants, nous ne pourrons pas voir le match ce soir. Oh la la ! Comme c'est
     triste !
— À moins que papa ne vous amène dans le bistrot devant lequel nous sommes passés ce matin !
— Heum ! De quel bistrot veux-tu parler, ma chérie ?
— Ben, moi zzz'ai pas vu le bissstrot, moi !
— Tu sais bien, mon chéri, le bistrot devant lequel Seb t'a fait un clin d'œil.
— Bôôô, j'ai pas fait d'clin d'œil, moi !
— Mais, il m'a pas fait de clin d'œil !
— Encore faudrait-il que vous ayez un casse-croûte pour partir.
— Ben, moi zzz'veux un casse-croûte au zzzambon, moi !

Opération rondement menée.

À 20h00, tous les mâles de la tribu font route vers le bistrot béni. L'endroit, prévu pour abriter une vingtaine d'individus, en temps normal, doit bien en contenir le triple pour cette soirée de gala. Des tabourets nous parviennent comme par magie. Grenadine pour tous les mâles de la tribu (sauf moi : un demi !). Passant de main en main, au-dessus des têtes, nos consommations arrivent. Toujours au-dessus des têtes, de main en main, mon billet de 50 Francs s'envole vers la caisse. De la même manière, la monnaie fait le chemin inverse.

L'ambiance est bon enfant. Nous sommes grimés aux couleurs de notre équipe. Les pronostics vont bon train. Ça se chicore gentiment.

— On peut pas perdre, on a Zizou, vindiou !
— Ouaih, mais ils ont Ronaldo, tudiou !
— Penses-tu, l'est cuit le Ronaldo ! Vaut mieux se méfier de Bebeto. Qui c'est qui le prend lui ?
     Liza ? Il va le bouffer fastoche !
— Et Leonardo, c'est du mou pour le chat ?
— Thutu est en pleine bourre, il va l'atomiser !
— Y'a aussi Roberto Carlos, il est capable de nous coller une praline des 40 mètres.
— Et qu'est-ce tu crois qu'il a sur ses gants, Barthez : du saindoux ?

21 heures pétantes, l'arbitre lâche les fauves. Onze bleus contre onze jaunes. Je ne vais pas vous refaire le match, toujours est-il que les Français prennent crânement d'assaut le camp brésilien et qu'en bon chef de meute, Zidane crucifie par deux fois le gardien adverse. Deux buts qui font l'effet de deux bombes atomiques dans le bistrot. Ça crie, ça vocifère, ça s'époumone, ça commande de nouvelles tournées !

La mi-temps arrive avec son nouveau ballet de verres et de billets manuellement aéro-transportés. Désormais, l'ambiance parait plus sereine, les langues se délient : « Tu viens d'où, toi ? De Brest ? Boudiou, vous z'avez pas la télé, chez les pingouins ? Huguette, mets donc une tournée aux p'tits Bretons ». Les enfants entament même un "On va gagner, on va gagner !" plein d'optimisme, repris par un chœur dissonant mais jovial.

Pour la seconde mi-temps, les Brésiliens se sont refait une santé et une agressivité toute neuve. Les bleus manquent de se faire écharper dix fois. Dix fois ils résistent. Et quand Manu Petit plante une ultime banderille à la dernière minute du match, ce n'est pas le bistrot qui explose, mais tout Peyrat-le-Château et tout le Limousin et toute la France aussi.

De partout des gens affluent. La rue est prise d'assaut par une foule bigarrée et bruyante. Des pétards éclatent, de nouvelles tournées sont commandées. On chante, on s'embrasse, on se tape dans le dos. D'autres nouvelles tournées sont commandées ! Des rondes sont improvisées mêlant jeunes, vieux, femmes, hommes, de toutes les couleurs, de toutes les conditions.

Ce soir-là, la France était black-blanc-beur... et bleue !

dimanche 28 octobre 2018

F.E.M.M.E.S.


                                                            F antasques idoles
                                                            E nivrantes muses
                                                            M aîtresses dévoyées
                                                            M ères essentielles
                                                            E ternelles épouses
                                                            S œurs évanescentes

                                                            Si uniques et toujours différentes
                                                            Lisses comme des grèves blondes
                                                            Carapacées d'aimables sentiments
                                                            Vives écorchées aux ronces mâles
                                                            Brisées dans l'arène des rancœurs
                                                            Souillées, vendues, meurtries
                                                            Mais encore debout
                                                            Le regard clair sur l'horizon
                                                            Les mains tendues vers le ciel
                                                            L'avenir est en elles seules

vendredi 26 octobre 2018

LES DEMOISELLES


Les demoiselles dansaient sous la lune bleue.

Les pieds nus dans le sable, elles dansaient et leurs longues chevelures dansaient aussi dans la brise littorale. Pour l'occasion, elles arboraient leurs plus beaux atours : Ézéphrine en mousseline beige, Psylvia en organdi safran, Diamante en satin parme et Perceneige en crêpe bleu ciel. Elles portaient des diadèmes fleuris, de longs colliers de nacre ruisselaient sur leurs poitrines frêles. Semblables à des compas, leurs jambes graciles dessinaient de larges arabesques sur le parchemin d'écume.

Les demoiselles dansaient toujours.

Une foule silencieuse s'agglutina à la lisière du bois de sapins. Des mains tremblaient, des cœurs vacillaient, des yeux s'embrumaient. Le chant des tambourins descendait en flots tourbillonnants le long de la colline herbeuse. Et les demoiselles dansaient encore quand le buccin lança son sinistre râle à la nuit.

Soudain, comme engendré par l'infini Pacifique, un brouillard sombre glissa entre les étoiles pour grignoter un peu plus le velours céleste. Une pluie fine irisa l'estuaire. Des griffes de feu zébraient l'horizon. Une méchante odeur de soufre s'immisça au plus profond de la lande. La brise devint blizzard. Un froid épais s'abattit sur les demoiselles. Elles se blottirent les unes contre les autres pour trouver un peu de chaleur, un peu de courage, un peu de réconfort.

Les demoiselles ne dansaient plus.

Fières comme des oriflammes, elles faisaient maintenant face à l'océan funeste. À la fois chasseresses et proies, maîtresses et esclaves, déesses et simples mortelles, elles attendaient — plutôt, elles espéraient — que le dieu Ymmël viennent enfin les épouser et les mener en son lointain domaine orageux.

Dans un vacarme apocalyptique, une colossale main noire descendit du ciel, happa les demoiselles sans ménagement et les emporta vers un pays de glace et de sang.

Au lendemain, ne restait plus sur le sable froissé qu'un amas mêlant mousseline beige, organdi safran, satin parme et crêpe bleu ciel.

mardi 23 octobre 2018

BISTOURI


« Un jour, je te ferai bouffer tes couilles ! »

Il y a 14 ans, j'avais 14 ans. Il y a 14 ans, j'ai perdu ma virginité sous les coups de boutoir d'un immonde salopard. Pétrifiée par la honte et le dégoût, je n'ai jamais parlé de cette agression à personne. Comment avouer à ses parents qu'on a été violée par son prof de sport ? Et comment leur faire comprendre que la peur et le désarroi m'ont empêché de me débattre ? Pendant tout ce temps, j'ai préféré ruminer ma colère.

Insidieusement, une vilaine mélancolie s'est mise à me ronger. J'ai pensé au suicide. J'ai même eu envie de mutiler cette partie de mon anatomie à tout jamais souillée. Il m'a fallu des jours et des jours pour canaliser ma rage. Des semaines, des mois et des années à ressasser les seuls mots que je voulais cracher à la gueule de celui qui avait saccagé mon enfance : « Un jour, je te ferai bouffer tes couilles ! »

Et ce jour est arrivé !

L'immonde salopard est encore dans les vap, il émerge doucement. Je crois qu'il ne comprend pas ce qui lui arrive, je ne suis même pas sûr qu'il m'ait reconnue. Il tente de défaire ses liens, mais ses mains et ses pieds sont solidement arrimés aux quatre coins du grand lit en fer. Alors il gueule, il crache, il menace…

Avec précaution, je retire un bistouri de son emballage stérile. Ça fait longtemps que j'attends ce moment : aujourd'hui, je vais lui faire bouffer ses couilles… et le reste avec !

vendredi 19 octobre 2018

SOUVENIRS, SOUVENIRS


La vie continue, on finira bien par s'habituer à son absence. Ce qui est sûr, c'est qu'on ne l'oubliera pas.

Oui, la vie continue, et on rencontrera toujours les mêmes qui disaient que Johnny c'était pas de la musique, c'était du bruit ! Les mêmes aussi qui juraient, la main sur le cœur, qu'il chantait en play back, qu'il était évadé fiscal en Suisse, ou à Los Angeles, ou alors à Saint-Barth… enfin, il fraudait le fisc, c'est sûr ! Et la drogue, et les clopes, et l'alcool, et le sexe, et la débauche…

Et puis, tous les ans, Michel Drucker nous fera une émission Spéciale Johnny où des candidats de la Star Ac' viendront pourrir l'œuvre du Patron en se trémoussant comme des gorets qu'on égorge. Tous raconteront une anecdote avec Johnny dont on se fout royalement… sauf Drucker qui gloussera comme une vieille folle qui aurait avalé un grumeau. Avec un peu de chance, Patrick Bruel nous fera bien un album de reprises !

Heureusement, il y aura aussi ces soirées avec Jean-Marc, René, Luc, Étienne, Nanar et tous les autres frappadingues du gars Jojo. Après avoir fait chauffer le teppaz, on dégoupillera quelques boutanches de Jack et la conversation reprendra comme avant : « Ouaih, Johnny, c'était bien entre 60 et 80, après c'était d'la merde ! »  —  « Putain, t'es con : son meilleur album, c'était  celui  de Berger ! »  —  « Et Sang pour sang du fiston, il sent le poireau ? »  —  « Hey, Keith ! Fais tourner les Knachis ! »

Il ne faudra pas longtemps pour qu'on se retrouve tous à poil sous la lune à beugler « Que je t'aimeuh ! Que je t'aimeuh !… » Les plus fragiles vomiront sans doute sur les bégonias de la voisine… on s'en fout, on l'aime pas, la vieille chouette ! Il sera alors temps pour chacun de regagner  ses  pénates,  avant  que  la  maréchaussée  ne  s'invite  aux  festivités  à  grands  coups de  pin ! pon !

Le lendemain, on se réveillera avec un troupeau de bonobos parkinsoniens dansant le kazatchok dans le crâne, et une haleine à faire calancher toutes les michetonneuses de la rue de Buda ! Et on se dira : vivement la prochaine soirée avec Jean-Marc, René, Luc, Étienne, Nanar et tous les autres frappadingues du gars Jojo !

Restons vivants !

mardi 3 juillet 2018

LA BELLE ISABELLE


Isabelle et le maréchal des logis-chef

En été, la belle Isabelle bronzait nue dans la garrigue.

— Brigadier, passez donc les menottes à cette impudente donzelle !

     — À vos ordres, maréchal des logis-chef, mais ne vaudrait-il pas mieux auparavant lui passer un
         vêtement sur les épaules ?

— Sûrement pas, bougre de couillon, ce serait effacer les traces de l'infraction.

     — Devons-nous donc la traîner en tenue d'Ève jusqu'à la gendarmerie ?

— Si fait, tête de coucourde !

     — Ce sera alors la fin de l'enquête ?

— La justice de la République passera.

     — Finie notre traque dans la garrigue ?

— On lui tranchera le cou.

     — Pour avoir seulement dévoilé sa belle anatomie ?

— La justice est la justice.

     — Peuchère, la petite ne fait de mal à personne. Ne pouvons-nous pas la laisser filer ?

— Ma foi, l'idée n'est pas mauvaise et le sous-préfet n'en saura rien.

Dans les buissons, des dizaines de voyeurs approuvèrent la décision.




Isabelle et le sous-préfet

En été, la belle Isabelle bronzait nue dans la garrigue.

Mhhh ! Voilà donc la gourgandine qui met en émoi la région tout entière !

     — C'est exactement ça, monsieur le sous-préfet.

Mhhh ! Dites-moi, maréchal des logis-chef, quelle est alors la sanction requise pour une telle
    infraction ?

     — Le code pénal préconise une peine d'emprisonnement de trois jours, assortie d'une amende
         de 50 nouveaux francs.

Mhhh ! Eh bien, pourquoi ne pas faire appliquer la loi sur-le-champ ?

     — Hélas, monsieur le sous-préfet, toutes les prisons d'ici jusqu'à Tarascon sont déjà remplies
         de voleurs, de braconniers, d'ivrognes et de Parisiens.

Mhhh ! Ma foi, si vous pouvez m'assurer que ce délit ne constitue pas un trouble majeur à l'ordre
    public, je crois que nous pouvons laisser cette demoiselle en liberté surveillée, en espérant que
    l'affaire ne soit jamais portée à la connaissance de monsieur le ministre.

Dans les buissons, des centaines de curieux décidèrent de reconduire le sous-préfet aux prochaines élections.



Isabelle et le ministre

En été, la belle Isabelle bronzait nue dans la garrigue.

Vous devez savoir, monsieur le sous-préfet, que l'affaire fait grand bruit dans tout le pays.

     — Mhhh ! Je n'en doute pas, monsieur le ministre.

Les lois fondamentales de l'État sont bafouées.

     — Mhhh ! Pour sûr, monsieur le ministre !

Les fondements même de la démocratie foulés au pied !

     — Mhhh ! Tant que ça, monsieur le ministre ?

Si fait, ça jase dans les plus hautes sphères du pouvoir... et que fait la maréchaussée ?

     — Mhhh ! Hélas, monsieur le ministre, je ne dispose que d'un valeureux maréchal des logis-chef
         et son adjoint qui sont déjà fort occupés à traquer les malfrats de tous acabits.

Les caisses de l'État sont vides.

     — Mhhh ! Depuis des lustres, monsieur le ministre ! Mais permettez-moi de vous suggérer
         d'observer attentivement ce que l'on peut apercevoir sur la fesse gauche de la demoiselle.

Saperlipopette ! Mais c'est... mais c'est... un grain de beauté... en forme de...

     — Mhhh ! Oui, monsieur le ministre, un grain de beauté en forme de bonnet phrygien !

Mazette ! Nous sommes bien là face à une affaire d'État ! Il faut que toutes les charges retenues
    contre cette demoiselle soient levées séance tenante. Et faites en sorte d'user de la plus grande
    discrétion pour que monsieur le président de la République ne soit pas éclaboussé par le
    scandale.

Dans les buissons, des milliers de badauds entonnèrent discrètement la Marseillaise.




Isabelle et le président de la République

En été, la belle Isabelle bronzait nue dans la garrigue... Mais pas ce jour-là !

Faisant fi du protocole, monsieur le président de la République avait pris la micheline jusqu'à la gare de Gonfaron. Pour l'occasion, il avait troqué son habit d'apparat pour une tenue plus appropriée au climat méditerranéen.

Maintenant, il traversait la garrigue à grandes enjambées pour s'en aller demander la main de la belle Isabelle. Elle trouva monsieur le président de la République plutôt bel homme et fort aimable de surcroît. Elle répondit donc favorablement à sa requête.

Ce jour-là, la belle Isabelle épousait le président de la République.

Désormais, en été, la belle Isabelle bronze nue dans les jardins de l'Élysée.

Dans les buissons...



L'ultime rendez-vous

La garrigue frissonne sous le soleil rosé d'un crépuscule de printemps. Une frêle silhouette est adossée à un olivier maintes fois centenaire.

— Bonsoir la Faucheuse !

     — Bonsoir belle Isabelle !

— Nous avons rendez-vous.

     — Nous avons rendez-vous depuis 83 ans. Tu es même un peu en avance.

— J'ai eu une belle et longue vie.

     — Tu n'as pas de regrets ?

— Aujourd'hui, j'ai réuni mes enfants, petits-enfants et arrières-petits-enfants. Nous avons parlé,
    nous avons bu. Nous avons ri, nous avons chanté. Je leur ai dit au revoir. Je les ai embrassés.
    Ils ont compris.

     — C'est bien. Tu es prête, alors ! Est-ce que tu as une dernière volonté ?

— Peuchère ! J'aimerais mourir nue dans la garrigue !

lundi 12 mars 2018

GOÉLAND


          Vous me voyez ?
          Levez les yeux.
          Le petit point gris dans le ciel, là, c'est moi.
          Je pars en Amérique.

— Une heure plus tôt —

« Sans chercher à mettre en doute votre intégrité mentale, il me semble que vous n'appartenez à aucune espèce de volatiles connue sur cette planète. Or, si vous persistez dans ce projet saugrenu de prendre votre essor du haut de cette falaise, vous risquez fort de vous écraser comme une fiente sur cette plage de galets blancs située à environ 80 mètres sous vos jolis escarpins. »

          Celui  qui  me  parle  ainsi est un larus argentatus, vulgairement appelé goéland argenté. Posé
          sur mon épaule, il me fixe d'un œil inquisiteur.

« Si un voyage transatlantique par la voie des airs n'était pas le but primordial de cette envolée, auriez-vous alors, mademoiselle, l'amabilité de m'en révéler la finalité ? À moins que l'objectif recherché dans cette posture ne soit pas le vol en lui-même, mais plutôt la chute… auquel cas, il s'agirait, ni plus ni moins, que d'une tentative de suicide. »

          Mamma mia ! Qu'est-ce que j'ai bien pu fumer qui me donne ainsi le pouvoir  de  comprendre
          le langage des goélands ?

« Je devine une méchante mélancolie vous ronger l'âme, et il m'insupporte qu'une si charmante jeune femme en vienne à élaborer un aussi macabre projet. Comme dit le poète-chanteur : "Un chagrin d'amour ne dure pas jusqu'à la fin des jours, il ne dure que jusqu'au prochain amour". Ici et maintenant, je vous offre le mien. Mon amour de volatile palmipède. Mon amour argenté comme la surface de l'océan. Un baiser, je ne demande qu'un baiser… et un doux mot de vous pour vous emmener à l'autre bout du monde. »

jeudi 1 mars 2018

DIX


                                                             — T'as dis 10 ?
                                                             — J'ai dis 10 !
                                                             — Dis, t'as dis 10 ?
                                                             — Je te dis que j'ai dis 10 !
                                                             — Si t'as dis 10, alors je dis 10.
                                                             — Ben, dis 10, alors.
                                                             — Ben ouaih, j'le dis : DIX !
                                                             — Fin de la discussion… disparais !

lundi 26 février 2018

MUSICIENS


Nom de Zeus ! C'est toujours pareil : après le concert, c'est encore le chanteur qui a emballé les plus chouettes groupies. Nous, les musicos, on est juste bons à se taper des thons.

Qu'est-ce qu'il a de plus que nous, le bellâtre ? Hein ? OK, il se lave les cheveux tous les jours, il porte  des  jeans slim et n'a  pas de poils sur la poitrine. C'est quand même pas ça qui excite les filles ? Si ?

Le batteur, je dis pas : il lui manque la moitié des chicots et dort avec ses santiagues. Quant au bassiste, il est affligé d'une tare incompatible avec le heavy metal : il sait lire une partition. Et moi qui aligne riff sur riff durant des heures, moi qui enfile des solos brûlants comme d'autres enfilent des suppositoires à la glycérine, moi, c'est kif-kif bourricot : pas la moindre nana pour partager mon hamac dans le tour-bus.

Décidément, nous autres, pauvres musicos, tâcherons de la scène, esclaves du showbiz, serfs modernes, ne sommes là que pour offrir un écrin harmonique propre à mettre en valeur ce crâneur de choriste. C'est trop injuste, mon petit Calimero !

Certes, je schématise un peu... je caricature même... mais grosso modo, voilà le genre de conversation qu'on entend les matins de répétition quand le chanteur du groupe n'a pas pu se lever... sans doute épuisé par ses performances sexuelles nocturnes (pfff !). À cela, les musiciens ont trouvé un remède d'une efficacité redoutable : ils ont écrit des morceaux rien que pour eux, pendant lesquels le braillard pourra toujours aller se refaire le brushing en coulisse.

Voilà comment ont été imaginés les instrumentaux dont la plupart des groupes de heavy metal ponctuent leurs concerts. 

Je vous jure que c'est vrai... aussi vrai que je suis le sosie de Robert Plant !

jeudi 22 février 2018

ROCK DU DÉSERT


« Évitez les aliments gras, salés, sucrés. Évitez de grignoter entre les repas. Consommez avec modération. Mangez 5 fruits et légumes. Prenez du Danacol contre le cholestérol. » … et pourquoi pas de la Vache qui Rit contre la connerie, pendant qu'on y est ?

J'ai l'impression qu'aujourd'hui tout le monde s'invite dans mon assiette pour me dire ce qui est bon ou mauvais pour ma santé. J'ai envie d'inviter tous les censeurs diététiques à aller se faire aimablement empapaouter chez les Hellènes.

Rien ne vaudra jamais une bonne côte de bœuf-sauce béarnaise avec des frites et un ballon de côtes-du-rhône. Rien ne remplacera un cassoulet de Castelnaudary qui a mijoté durant des heures dans la graisse d'oie, et un petit vin de Cahors pour le faire glisser. Et la choucroute… mon Dieu, la choucroute ! Croquante à souhait, enguirlandée de saucisses de Strasbourg… et un sylvaner de Vœgtlinshoffen !

En matière de musique, c'est un peu pareil : j'aime les chansons charpentées avec un peu de gras autour. C'est exactement ce que je retrouve en écoutant un disque de Desert Rock : ça tient bien au corps et ça fait du bien par où qu'ça passe !

lundi 19 février 2018

LA CHASSE AUX FANTÔMES


— Bleu 1 à bleus 2, 3 et 4 : cible en visuel à 12 heures. Début de l'opération d'encerclement. Bleu 2,
     remontez le couloir B en ligne droite. Bleus 3 et 4, prenez le couloir C jusqu'à la travée 54 et
     tentez de rabattre la cible vers le couloir central. Je vous demande un maximum de discrétion
     pour ne pas éveiller les soupçons de la cible. Top, début de mission. Bonne chance à tous. GO !

— Bleu 2 à bleu 1 : couloir B bloqué par une rangée de caddies, à la hauteur de la travée 45.
     Je bifurque vers le couloir D.

— Bleu 1 à bleu 2 : bien reçu. Empruntez la travée 49 pour contourner l'obstacle.

— Bleu 4 à bleu 1 : la cible a interrompu sa progression. Elle semble fébrile.

— Bleu 1 à bleu 4 : bien reçu, on ne change pas de position et on continue la mission comme prévu.

— Bleu 3 à bleu 1 : la cible a changé de direction. Elle remonte la travée 54 et s'avance dans ma
     direction.

— Bleu 1 à bleus 2 et 4 : point d'impact confirmé. Ralliez le lieu de rendez-vous initial. 
     Bleu 3 : prenez position au milieu de la travée.

— Bleu 1 à bleus 2, 3 et 4 : contact dans 3 secondes… 2 secondes… 1 seconde… attention…
     CONTACT !

— Bonjour, monsieur, pourriez-vous me renseigner sur la peinture à mettre sur du placo-plâtre ?

— Désolé, je suis du rayon "Luminaires". Pour la peinture, voyez avec mon collègue Michel.

— Bleu 1 à bleus 2, 3 et 4 : début de l'opération "repérer la cible Michel" !

jeudi 15 février 2018

MES DAMES


Je l'ai déjà dit, je l'ai même écrit plusieurs fois dans ces colonnes et s'il le fallait, j'escaladerais le Mont Rushmore pour gueuler à la face du monde : « J'AIME LES FEMMES ! ».

Ou plutôt « J'aime LA Femme » avec un grand FEU majuscule.

Ma bible en la matière demeure le texte — extraordinaire — de la chanson "Miss Maggie" de mon frangin, mon poteau : Renaud. En trois coups de stylo à bille, il rédige un manifeste fondamental tout à l'honneur de nos sœurs humaines.

Parce  qu'encore  aujourd'hui, il  faut  une  sacrée  paire  de  couilles  pour  être  une  femme. Viol, lapidation, humiliation, jet d'acide, main aux fesses, discrimination professionnelle, privation de parole, de réflexion, de liberté d'action, voilà ce que nos voisines de planète subissent au quotidien, au XXIème siècle. Et  nos "grands  hommes" peuvent  bien  agiter  leurs  grands  bras  mous, rien  n'y fait : la femme qui devrait être l'avenir de l'homme n'en est toujours que son défouloir à rancœurs.

Le 8 mars 1921, Lénine décrète la Journée internationale des femmes pour l'ensemble des pays du bloc de l'Est. Le 8 mars 1977, l’Organisation des Nations Unies adopte une résolution identique pour ses pays membres. Il faudra attendre 1982, pour que François Mitterrand donne un statut officiel à cette journée en France.

Modestement, je déclare ouverte la semaine de la femme sur les pages de mon petit blog à moi, juste pour vous mes amies, mes copines, mes sœurs, mes tutrices, mes confidentes, mes bien-aimées, mes galères, parfois mes souffre-douleurs… enfin, mes dames et mes demoiselles !

lundi 12 février 2018

LA VIE EN NOIR


                                                               NOIRE  COMME  SON  ÂME
                                                               OU  COMME  SES  LARMES
                                                               IMPÉTUEUSE  GUERRIÈRE
                                                               REDOUTABLE  MAÎTRESSE

jeudi 8 février 2018

15 AOÛT


J'attends.
Mon maître va venir me chercher.
Alors j'attends.

Nous sommes le 15 août et nous partons en vacances. Mon maître s'est arrêté sur une aire d'autoroute. Il m'a emmené faire pipi à l'orée d'un bois et m'a attaché à un arbre… d'habitude, il ne fait  pas  ça.  J'attends.  Il  a  sûrement  été  à  la boutique  pour  acheter  des  bonbons  aux  enfants. Et quand il viendra me chercher, il y aura une friandise pour moi aussi. 
Alors j'attends.

J'attends. 
Le soir commence à tomber. Mon maître a dû s'assoupir avant de reprendre le volant. Les enfants regardent un DVD à l'arrière du Kangoo. J'attends toujours. Maintenant, il fait nuit, j'ai un peu froid au museau. Tout le monde doit dormir dans la voiture. Je vais attendre encore un peu.

J'ai dû m'endormir. Le jour s'est levé. J'ai une de ces fringales ! J'avalerais une pleine gamelle de Frolic ! Mon maître doit être en train de ranger les bagages, les enfants boivent leur chocolat. Dans 5 minutes, je vais retrouver ma place entre eux sur la banquette arrière.

J'attends.
Mon maître va venir me chercher.
Alors j'attends…

lundi 5 février 2018

LA VIE EN ROUGE


                                              RESPIRER  LE  PARFUM  DE  TES  CHEVEUX
                                              OU  CARESSER  LE  VELOURS  DE  TES  SEINS
                                              UN  DOUX  MATIN  DE  PRINTEMPS
                                              GÉNÈRE  DES  PENSÉES  FRIPONNES
                                              ET  D'INAVOUABLES  FANTASMES

jeudi 1 février 2018

LA VIE EN BLEU


                                              BRIGITTE  BARDOT  DANS  UNE  DÉCAPOTABLE
                                              LONGE  LA  CÔTE  MÉDITERRANÉENNE
                                              EN  FUMANT  UNE  GITANE  SANS  FILTRE
                                              UN  ÉCLAIR  MALICIEUX  AU  COIN  DE  L'ŒIL

lundi 29 janvier 2018

LA VIE EN BLANC


                                              BALANCE  LE  MAGOT,  LA  VIEILLE
                                              LENTEMENT,  TRÈS  LENTEMENT
                                              ATTENTION  AUX  GESTES  BRUSQUES
                                              N'OUBLIE  SURTOUT  PAS  LES  BIJOUX
                                              C'EST  LE  CASSE  DU  SIÈCLE

jeudi 25 janvier 2018

LA VIE EN ROSE


                                                        ROMANTIQUE  ET  PERVERSE
                                                        Ô  SE  PENCHE  À  MON  OREILLE
                                                        SUSURRE  DES  MOTS  SUCRÉS
                                                        ET  S'ÉVADE  DE  MA  NUIT

lundi 22 janvier 2018

L'ARAIGNÉE


En 1982, j'étais à Djibouti. À l'époque, des dizaines de petits mendiants grouillaient dans les rues pour vendre toutes sortes de marchandises : cigarettes, cartes postales, préservatifs... Parmi ces vendeurs ambulants, le plus connu s'appelait l'Araignée. Cruel sobriquet pour désigner un jeune handicapé dont les quatre membres étaient atrophiés. Cela l'obligeait à se déplacer plus ou moins en rampant, ses jambes et ses bras maigres et tordus lui donnant effectivement une vilaine apparence arachnéenne.

Ce petit gars qui devait avoir entre 12 et 14 ans, vendait des cassettes musicales qu'il transportait dans une boîte à chaussures accrochée à son cou. Aznavour, Dalida, Bob Marley, Disco italien, Bob Seger... et d'autres artistes totalement inconnus. Un jour qu'il se montrait pressant, je le mis au défi de me dégoter un AC/DC, sachant pertinemment qu'il n'en avait jamais en stock. Il me tendit alors la cassette d'un groupe inconnu et dotée une pochette hideuse... Speed Queen, le comble de la ringardise. Et  l'Araignée de rétorquer : « Pareil AC/DC, pareil, acheter, missié, pas cher. »

Après d'âpres négociations, je fis donc l'acquisition d'une immondice que je me promettais de jeter dans le premier caniveau venu. Sans le savoir, je venais d'acheter l'un des meilleurs albums de heavy metal français. Depuis, cette piteuse cassette a bien dû tourner des milliers de fois dans mon Walkman.

Je dédie cette rubrique à toutes les petites araignées qui courent les rues du monde entier à la recherche d'une piécette.

jeudi 18 janvier 2018

FRANCIS


Un matin, le bon Dieu feuilleta son journal intime pour vérifier qu'il avait tout bien fait sur la terre comme au ciel.

— Bien, se dit-il en se grattant le haut du crâne, pour ces cochons de rosbifs, j'ai créé les Beatles,
     les Stones et Bowie. Pour ces tarlouzes de yankees, j'ai fait Elvis, Dylan et Springsteen.
     Par contre, pour mes petits Français adorés, je crois que j'ai un chouia merdé.

Dans un grand plat en pyrex, il jeta quelques pincées de folk et de blues... parce que le bon Dieu aime bien le folk et le blues. Il ajouta une belle poignée de mots gorgés de soleil et d'amour, une pincée d'élégance désinvolte, et de larges extraits de la méthode à Dadi. Il enfourna pour 45 minutes à thermostat 7.

Ce qui en ressortit s'appelait Francis Cabrel.

Alors, le bon Dieu se dit que la France possédait enfin un troubadour de classe internationale et qu'il pouvait s'en retourner faire la sieste dans la cabane au fond du jardin.

lundi 15 janvier 2018

LA CHASSE AUX VAMPIRES


On est les meilleurs passqu'on est des… WINNERS !
On va gagner passqu'on est pas des… PÉDÉS !

Hey, les copains, il est temps de montrer qu'on en a dans le calfouette ! Déconnez pas, me laissez pas tout seul… pass' qu'y'a les nanas qui surveillent qu'on n'est pas des mauviettes, c'est un coup à se retrouver en première page de Trou-du-cul Magazine !

Ah bah ouaih, j'ai oublié de vous dire qu'on partait à la chasse. Ce coup-ci, on va pas dégommer de la tourterelle, même pas du sanglier ni du renard. Là, on s'attaque à du lourd, à du méchant, à du malsain, à des z'animals qui font très très mal avec leurs grosses dents qui piquent. Laissez tomber vos Opinels et vos lance-patates, et sortez plutôt les lance-flammes et les bazookas… et aussi les colliers d'ail, les crucifix et les piques en bois !

Comment, Jojo ? C'est pas possib, t'as piscine !
Hein, Jean-Pierre ? T'as rendez-vous au proctologue ! Ben merd'alors !
Et toi, Christian ? Cours de patchwork ! Ah bah OK !

Ch'uis le meilleur passque ch'uis un… WINNER !
Je vais gagner passque ch'uis pas un… PÉDÉ !
Bon bin, finalement, je vais plutôt me faire un cinoche !

jeudi 11 janvier 2018

AS TEARS GO BY


En 1964, les Rolling Stones ne sont encore qu'une bande de petits branleurs tout juste capables d'enregistrer des reprises de blues et de rock. La recette est certes payante, puisque leurs disques s'écoulent comme des pintes de pale ale dans les pubs de Liverpool, mais, sous la pression de leur manager, Mick Jagger et Keith Richards se décident enfin à écrire leur première chanson originale, ce sera As Tears Go By

Cependant, ils la jugent trop sentimentale pour être incorporée au répertoire du groupe et préfèrent la confier à une jolie petite blonde toute mignonne d'à peine 17 ans : Marianne Faithfull.

lundi 8 janvier 2018

CHAMBRE AVEC VUE


                                                Le vent souffle sur la rade
                                                Ta chemise de nuit jetée dans l'escalier
                                                Je me souviens de tous les soirs
                                                Passés dans ma prison éthylique

                                                Combien de temps y suis-je resté ?
                                                Le temps que l'hiver étouffe la lande
                                                Et toutes ces images tourmentées
                                                Sont gravées sur les murs de ma prison éthylique

                                                Ma prison est calme, stérile et blanche
                                                Elle est comme un tombeau
                                                Avec un papillon qui se débat dans la nuit

                                                Ma prison est calme, son atmosphère hantée
                                                J'ai entendu tant de cris, mais c'était mes cris
                                                Dans les affres de mon rêve étrange

                                                Ma confidente, elle sait tout de ma vie
                                                Ma prison éthylique me connait mieux que ma femme
                                                Je n'ai besoin de rien ici
                                                Je suis seul

(librement inspiré de The Quiet Room d'Alice Cooper et dédié à Renaud)