dimanche 28 octobre 2018

F.E.M.M.E.S.


                                                            F antasques idoles
                                                            E nivrantes muses
                                                            M aîtresses dévoyées
                                                            M ères essentielles
                                                            E ternelles épouses
                                                            S œurs évanescentes

                                                            Si uniques et toujours différentes
                                                            Lisses comme des grèves blondes
                                                            Carapacées d'aimables sentiments
                                                            Vives écorchées aux ronces mâles
                                                            Brisées dans l'arène des rancœurs
                                                            Souillées, vendues, meurtries
                                                            Mais encore debout
                                                            Le regard clair sur l'horizon
                                                            Les mains tendues vers le ciel
                                                            L'avenir est en elles seules

vendredi 26 octobre 2018

LES DEMOISELLES


Les demoiselles dansaient sous la lune bleue.

Les pieds nus dans le sable, elles dansaient et leurs longues chevelures dansaient aussi dans la brise littorale. Pour l'occasion, elles arboraient leurs plus beaux atours : Ézéphrine en mousseline beige, Psylvia en organdi safran, Diamante en satin parme et Perceneige en crêpe bleu ciel. Elles portaient des diadèmes fleuris, de longs colliers de nacre ruisselaient sur leurs poitrines frêles. Semblables à des compas, leurs jambes graciles dessinaient de larges arabesques sur le parchemin d'écume.

Les demoiselles dansaient toujours.

Une foule silencieuse s'agglutina à la lisière du bois de sapins. Des mains tremblaient, des cœurs vacillaient, des yeux s'embrumaient. Le chant des tambourins descendait en flots tourbillonnants le long de la colline herbeuse. Et les demoiselles dansaient encore quand le buccin lança son sinistre râle à la nuit.

Soudain, comme engendré par l'infini Pacifique, un brouillard sombre glissa entre les étoiles pour grignoter un peu plus le velours céleste. Une pluie fine irisa l'estuaire. Des griffes de feu zébraient l'horizon. Une méchante odeur de soufre s'immisça au plus profond de la lande. La brise devint blizzard. Un froid épais s'abattit sur les demoiselles. Elles se blottirent les unes contre les autres pour trouver un peu de chaleur, un peu de courage, un peu de réconfort.

Les demoiselles ne dansaient plus.

Fières comme des oriflammes, elles faisaient maintenant face à l'océan funeste. À la fois chasseresses et proies, maîtresses et esclaves, déesses et simples mortelles, elles attendaient — plutôt, elles espéraient — que le dieu Ymmël viennent enfin les épouser et les mener en son lointain domaine orageux.

Dans un vacarme apocalyptique, une colossale main noire descendit du ciel, happa les demoiselles sans ménagement et les emporta vers un pays de glace et de sang.

Au lendemain, ne restait plus sur le sable froissé qu'un amas mêlant mousseline beige, organdi safran, satin parme et crêpe bleu ciel.

mardi 23 octobre 2018

BISTOURI


« Un jour, je te ferai bouffer tes couilles ! »

Il y a 14 ans, j'avais 14 ans. Il y a 14 ans, j'ai perdu ma virginité sous les coups de boutoir d'un immonde salopard. Pétrifiée par la honte et le dégoût, je n'ai jamais parlé de cette agression à personne. Comment avouer à ses parents qu'on a été violée par son prof de sport ? Et comment leur faire comprendre que la peur et le désarroi m'ont empêché de me débattre ? Pendant tout ce temps, j'ai préféré ruminer ma colère.

Insidieusement, une vilaine mélancolie s'est mise à me ronger. J'ai pensé au suicide. J'ai même eu envie de mutiler cette partie de mon anatomie à tout jamais souillée. Il m'a fallu des jours et des jours pour canaliser ma rage. Des semaines, des mois et des années à ressasser les seuls mots que je voulais cracher à la gueule de celui qui avait saccagé mon enfance : « Un jour, je te ferai bouffer tes couilles ! »

Et ce jour est arrivé !

L'immonde salopard est encore dans les vap, il émerge doucement. Je crois qu'il ne comprend pas ce qui lui arrive, je ne suis même pas sûr qu'il m'ait reconnue. Il tente de défaire ses liens, mais ses mains et ses pieds sont solidement arrimés aux quatre coins du grand lit en fer. Alors il gueule, il crache, il menace…

Avec précaution, je retire un bistouri de son emballage stérile. Ça fait longtemps que j'attends ce moment : aujourd'hui, je vais lui faire bouffer ses couilles… et le reste avec !

vendredi 19 octobre 2018

SOUVENIRS, SOUVENIRS


La vie continue, on finira bien par s'habituer à son absence. Ce qui est sûr, c'est qu'on ne l'oubliera pas.

Oui, la vie continue, et on rencontrera toujours les mêmes qui disaient que Johnny c'était pas de la musique, c'était du bruit ! Les mêmes aussi qui juraient, la main sur le cœur, qu'il chantait en play back, qu'il était évadé fiscal en Suisse, ou à Los Angeles, ou alors à Saint-Barth… enfin, il fraudait le fisc, c'est sûr ! Et la drogue, et les clopes, et l'alcool, et le sexe, et la débauche…

Et puis, tous les ans, Michel Drucker nous fera une émission Spéciale Johnny où des candidats de la Star Ac' viendront pourrir l'œuvre du Patron en se trémoussant comme des gorets qu'on égorge. Tous raconteront une anecdote avec Johnny dont on se fout royalement… sauf Drucker qui gloussera comme une vieille folle qui aurait avalé un grumeau. Avec un peu de chance, Patrick Bruel nous fera bien un album de reprises !

Heureusement, il y aura aussi ces soirées avec Jean-Marc, René, Luc, Étienne, Nanar et tous les autres frappadingues du gars Jojo. Après avoir fait chauffer le teppaz, on dégoupillera quelques boutanches de Jack et la conversation reprendra comme avant : « Ouaih, Johnny, c'était bien entre 60 et 80, après c'était d'la merde ! »  —  « Putain, t'es con : son meilleur album, c'était  celui  de Berger ! »  —  « Et Sang pour sang du fiston, il sent le poireau ? »  —  « Hey, Keith ! Fais tourner les Knachis ! »

Il ne faudra pas longtemps pour qu'on se retrouve tous à poil sous la lune à beugler « Que je t'aimeuh ! Que je t'aimeuh !… » Les plus fragiles vomiront sans doute sur les bégonias de la voisine… on s'en fout, on l'aime pas, la vieille chouette ! Il sera alors temps pour chacun de regagner  ses  pénates,  avant  que  la  maréchaussée  ne  s'invite  aux  festivités  à  grands  coups de  pin ! pon !

Le lendemain, on se réveillera avec un troupeau de bonobos parkinsoniens dansant le kazatchok dans le crâne, et une haleine à faire calancher toutes les michetonneuses de la rue de Buda ! Et on se dira : vivement la prochaine soirée avec Jean-Marc, René, Luc, Étienne, Nanar et tous les autres frappadingues du gars Jojo !

Restons vivants !