lundi 22 janvier 2018

L'ARAIGNÉE


En 1982, j'étais à Djibouti. À l'époque, des dizaines de petits mendiants grouillaient dans les rues pour vendre toutes sortes de marchandises : cigarettes, cartes postales, préservatifs... Parmi ces vendeurs ambulants, le plus connu s'appelait l'Araignée. Cruel sobriquet pour désigner un jeune handicapé dont les quatre membres étaient atrophiés. Cela l'obligeait à se déplacer plus ou moins en rampant, ses jambes et ses bras maigres et tordus lui donnant effectivement une vilaine apparence arachnéenne.

Ce petit gars qui devait avoir entre 12 et 14 ans, vendait des cassettes musicales qu'il transportait dans une boîte à chaussures accrochée à son cou. Aznavour, Dalida, Bob Marley, Disco italien, Bob Seger... et d'autres artistes totalement inconnus. Un jour qu'il se montrait pressant, je le mis au défi de me dégoter un AC/DC, sachant pertinemment qu'il n'en avait jamais en stock. Il me tendit alors la cassette d'un groupe inconnu et dotée une pochette hideuse... Speed Queen, le comble de la ringardise. Et  l'Araignée de rétorquer : « Pareil AC/DC, pareil, acheter, missié, pas cher. »

Après d'âpres négociations, je fis donc l'acquisition d'une immondice que je me promettais de jeter dans le premier caniveau venu. Sans le savoir, je venais d'acheter l'un des meilleurs albums de heavy metal français. Depuis, cette piteuse cassette a bien dû tourner des milliers de fois dans mon Walkman.

Je dédie cette rubrique à toutes les petites araignées qui courent les rues du monde entier à la recherche d'une piécette.

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