mercredi 17 avril 2019

INCOGNITO


Putain de bordel de merde ! Ça fait super chier ! Tu te crèves le cul à pondre des chouettes chansons, et tout le monde s'en fout !

Jean, Paul, Georges et Richard sont amis depuis plus de 50 ans. En 1966, ils avaient formé un groupe de rock : The Bottles.

En 1967, ils étaient tous réunis au studio d'enregistrement pour mettre en boîte leur premier disque. Ils avaient bossé comme des malades afin d'obtenir le précieux sésame qui allait peut-être bouleverser leur vie. Pour la face A, Paul et Jean avaient coécrit Des champs de fraises pour toujours, une jolie chanson un peu surréaliste et onirique. Pour la face B, Georges s'était débrouillé tout seul pour pondre Pendant que ma guitare pleure doucement. Deux chouettes chansons qui allaient embraser les hits-parades du monde entier, ils en étaient sûrs.

Le disque s'était plutôt bien écoulé : 17 exemplaires, le premier jour, rien que sur Cherbourg. Une cinquantaine d'autres sur la région parisienne. Quelques autres centaines, les semaines suivantes, en France et en Belgique. Puis, plus rien. Aucune radio n'avait daigné le diffuser. Seul un entrefilet en dernière page d'Ouest-France avait évoqué l'événement. Les maisons de disques étaient restées muettes, les producteurs aux abonnés absents.

Les Bottles ont fini par ranger leurs instruments mais, plus d'un demi-siècle plus tard, ils continuent de se retrouver autour d'un verre pour évoquer ce qui fut la plus belle mais aussi la plus douloureuse période de leur existence. Et quand la patronne du café qui les accueille voit une larme glisser sur leur joue, elle imagine que c'est le travail à la fonderie qui leur a abimé les yeux.

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